Qui est Jeanne CHAUVIN ? Pionnière des avocates

 

L’année 1900 consacre l’accès au barreau pour les femmes et ainsi leur droit d’exercer une profession jusqu’alors réservée aux hommes : avocat.

 

En 1901, Jeanne Chauvin a été la première femme avocate à plaider en France. Cette pionnière a combattu toute sa vie en faveur de l’accès des femmes à l’université et au barreau.

 

Née le 22 avril 1862, cette fille de notaire de province devenue orpheline à 16 ans, était titulaire de deux baccalauréats, en lettres et en sciences et de deux licences, en philosophie et en droit. En 1892 à Paris, elle devient la deuxième femme docteur en droit avec une thèse déjà évocatrice consacrée à L’Étude historique des professions accessibles aux femmes ou elle revendique l’égalité dans l’éducation et dans l’accession à toutes les professions. Elle est la première Française à obtenir ce grade prestigieux.

 

Nom complet de sa thèse : « Des professions accessibles aux femmes en droit romain et en droit français – Evolution historique de la position économique de la femme dans la société ».

 

En novembre 1897, Jeanne Chauvin se présente à la Cour d’appel de Paris pour prêter serment en tant qu’avocate.

Par un arrêt en date du 30 novembre 1897, la 1ère Chambre de la Cour d’Appel de Paris rejeta sa demande d’inscription au tableau de l’Ordre des avocats. L’émoi fut immense. Cette même année, elle dépose une proposition de loi visant à accorder aux femmes l’accès au barreau, elle est refusée. Elle réussit à rallier à sa cause Léon Bourgeois, Paul Deschanel, Raymond Poincaré (avocat). Grâce à leur soutien, à celui de René Viviani et notamment l’aide de son frère Emile CHAUVIN, la loi est votée à la Chambre, le 30 juin 1899, non sans provoquer quelques contestations de la part de ses confrères du Palais.

Trois années de lutte plus tard, le 1er décembre 1900, une loi autorisant les femmes à s’inscrire au barreau était promulguée jusqu’alors réservée aux hommes.

 

La Loi n°1900-1201 du 1 Décembre 1900 a changé tout cela :

« À partir de la promulgation de la présente loi, les femmes munies des diplômes de licencié en droit seront admises à prêter le serment prescrit par l’article 31 de la loi du 22 ventôse an XII, à ceux qui veulent être reçus avocats et à exercer la profession d’avocat sous les conditions de stage, de discipline et sous les obligations réglées par les textes en vigueur. »

 

Le 5 décembre 1900, a retenti devant la première chambre de la Cour d’appel de Paris, la prestation de serment de Sophie Balachowsky-Petit, dite Olga Petit, la première avocate française qui sera suivie quelques jours plus tard, le 19 décembre 1900 par celle de Jeanne Chauvin. Elle se présenta à la barre à son tour et, lorsque son nom fut appelé, dit d’une voix grave et forte : “JE LE JURE !”. Dans la voie ainsi ouverte, s’engouffrent à leur tour Suzanne Grinberg, Agathe Dyvrande-Thévenin, Maria Vérone pour constituer un petit noyau d’avocates. Le parcours de Jeanne Chauvin va effectivement être un modèle du genre et un exemple à suivre pour d’autres futures candidates avocates. Grâce à ces femmes, le mot avocat a enfin pu être décliné au féminin.

 

Première femme à plaider en 1901 au Tribunal correctionnel de la Seine (9e Chambre) pour “L’accident de Choisy-le-Roi”. Elle est aussi connue pour sa plaidoirie dans une affaire de contrefaçon de corsets en 1907, elle est raillée par les hommes qui accueillent sa prestation par des « Robe sur robe ne vaut ».

 

Elle décède le 27 septembre 1926, l’année où elle est nommée chevalier de la Légion d’honneur des mains de Raymond Poincaré, lui-même avocat, le 19 Janvier 1926.

 

A noter, les petits détails !

La nouvelle avocate, Maître Jeanne Chauvin, sœur du député de Seine-et-Marne, lequel est avocat à la Cour d’Appel, (ancien secrétaire de la Conférence, professeur de droit), n’a pas élu professionnellement domicile au même vestiaire que son frère. Maître Chauvin s’habille au vestiaire de l’Ordre, tandis que son frère, Me Chauvin s’habille au vestiaire de la Cour, situé de l’autre côté du Palais.

 

Anecdotes :

Lors de la soutenance de son doctorat, les idées féministes de Jeanne Chauvin ne font pas l’unanimité et sont contestées. Au moment de se présenter devant le jury, des étudiants protestent, envahissent la salle en chantant La Marseillaise et sèment la confusion. La soutenance de Jeanne Chauvin est alors ajournée. Quelques jours plus tard, elle est nommée, à l’unanimité DOCTEUR EN DROIT.

 

Depuis la prestation de serment de la première femme avocate en 1900, la profession s’est largement féminisée pour atteindre au 1er janvier 2020, 56,8% des effectifs de l’ensemble des avocats (39 769 contre 30 304 hommes) contre 50,5 % 11 ans auparavant. Cette proportion varie notablement d’un barreau à l’autre.

 

De Gisèle Halimi à Shirin Ebadi, avocate iranienne, première femme à avoir exercé comme juge en Iran, prix Nobel de la Paix en 2003, partout dans le monde, les avocates, bien avant d’obtenir le droit de vote, ont écrit l’histoire.