Qu'est-ce qu'une arme artisanale ?

 

Les services de sécurité intérieure sont confrontés à un phénomène émergent et inquiétant dans leur lutte contre la violence armée : l’émergence des armes à feu artisanales, communément appelées « ghost guns », fabriquées à domicile, principalement à l’aide d’imprimantes 3D. Cette réalité représente un défi majeur et constitue un problème sérieux pour la sécurité publique.

 

Il est important de noter que notre article se concentre sur les armes produites par usinage additif via l’impression 3D, excluant d’autres technologies émergentes telles que les versions modernisées de l’usinage soustractif (comme les fraiseuses CNC, l’usinage électro-chimique, la découpe au laser, l’électro-érosion, etc.).

 

Bien que le secteur connaisse une croissance impressionnante, les armes de petit calibre issues de l’impression 3D, échappant au contrôle étatique, circulent encore de façon limitée sur le territoire national. Leur prolifération suscite une inquiétude légitime au sein du système judiciaire français. Le processus de fabrication de ces armes, simple, rapide et économique, repose sur l’acquisition d’une imprimante adéquate et le téléchargement de fichiers aisément accessibles sur Internet pour produire une gamme complète d’armes à feu, allant du pistolet au fusil d’assaut. Cette menace est d’autant plus préoccupante du fait que ces armes sont produites en dehors de tout cadre réglementaire et peuvent être fabriquées aussi bien sur le territoire national que depuis l’étranger.

 

Malgré la menace tangible que représentent ces armes artisanales, elles ne constituent qu’une infime partie du marché illicite des armes, comparé à la disponibilité beaucoup plus importante des armes industrielles qui, même anciennes, conservent leur dangerosité létale. Ainsi, la diversité des armes artisanales va des modèles les plus rudimentaires aux plus sophistiqués.

 

L’histoire des armes « fantômes » :

 

Au-delà de son invention, l’impression 3D en plastique a gagné en popularité à partir de 2005. Ce procédé permet initialement la production de pièces en volume par l’ajout successif de couches de matériau, qualifié de fabrication additive. Comme toute innovation, certains individus ont cherché à exploiter cette technologie pour la production d’armes à feu.

 

Cette tendance a pris de l’ampleur au début des années 2010, notamment en 2013 avec l’émergence du « Liberator », un pistolet à un coup en calibre .380ACP, conçu en 3D avec les moyens technologiques et matériaux disponibles à l’époque. Ce pistolet était simple à fabriquer du fait qu’il était entièrement en plastique, ce qui le rendait peu fiable et peu durable.

 

Nous vous invitons à consulter un test de tir effectué par le Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives (Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs des États-Unis). Lien YouTube : « ghost gun » ATF test of 3-D printed firearm using VisiJet material (Vue latérale)

 

Le FGC-9, acronyme de « F*ck Gun Control 9mm », a marqué une évolution majeure dans le domaine des armes fabriquées par impression 3D. Fini les pistolets en plastique à un seul coup. Désormais, les armes imprimées en 3D peuvent être semi-automatiques voire automatiques. Le FGC-9 est un pistolet semi-automatique tirant des munitions en 9×19 mm. Cette arme a rapidement suscité un vif intérêt, et les fichiers de sa conception se sont largement diffusés sur Internet. En mars 2020, ces fichiers du FGC-9 ont été rendus publics.

 

Chronologie de certaines armes à feu fabriquées en impression 3D :

 

  • 2013 | Liberator – .380ACP / Grizzly .22lr
  • 2014 | Zig Zag – .380 ACP
  • 2015 | Washbear PM522 – .22lr
  • 2016 | Songbird – .22lr / Shuty MP-1 .9x19mm
  • 2017 | Shuty AP-9 – .9x19mm
  • 2019 | Ghettoblaster – .9x19mm
  • 2020 | FGC 9 – .9x19mm

 

L’aspect technique des armes :

 

À l’époque, durant les années 2010, les premières armes à feu « artisanales » étaient limitées par les contraintes technologiques, en raison de la fragilité des matériaux utilisés dans l’impression 3D. Ces armes étaient principalement conçues avec des filaments en plastique ou en métal, disponibles dans le commerce grand public, qui présentaient une faible résistance à la pression et aux températures élevées générées par le tir d’un projectile.

 

Les avancées technologiques récentes ont permis l’utilisation de matériaux innovants, facilitant la fabrication de composants d’armes plus sophistiqués, de qualité supérieure, et plus résistants. Alors que des modèles comme le célèbre « Liberator » étaient entièrement fabriqués en polymères, limitant leurs performances, les évolutions récentes ont intégré des composants métalliques essentiels tels que les canons et les percuteurs.

 

Une arme à feu est constituée de diverses pièces, dont les éléments essentiels, tels que le canon, la carcasse, la boîte de culasse, la glissière, le barillet, la culasse mobile, doivent être classés dans la même catégorie que l’arme en question. Conformément aux directives de 2017 et 2021, ces éléments essentiels sont clairement définis.

 

Il est important de noter que les imprimantes 3D ne suffisent pas à produire entièrement une arme à feu, mais elles peuvent être utilisées pour fabriquer des pièces externes comme la carcasse (partie haute et partie basse) ou la crosse. Pour les producteurs illégaux d’armes à feu, l’acquisition de composants essentiels en métal se fait souvent via le « dark web » pour garantir le bon fonctionnement de l’arme, incluant des pièces telles que le canon, le bloc détente, ou le percuteur.

 

La partie difficile pour les producteurs de ses armes est de la rendre opérationnelle !

 

Des armes dites « fantômes », car intraçables !

 

L’absence de numéros de série sur ces armes pose des difficultés dans le processus de traçage, un élément fondamental des enquêtes sur le trafic illicite d’armes à feu. Le traçage consiste à suivre de manière systématique le cheminement des armes à feu, et autant que possible, de leurs composants essentiels et de leurs munitions, depuis leur fabrication jusqu’à leur acquisition par l’utilisateur final. Ceci vise à assister les autorités compétentes des États membres dans la détection et l’analyse de la production et du commerce illégaux, ainsi que dans la conduite d’enquêtes à leur sujet, conformément à la Directive 2017/853 du 17 mai 2017, remplacée par la Directive (UE) 2021/555 du Parlement européen et du Conseil du 24 mars 2021 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes, entrée en vigueur en avril 2021.

 

La notion d’arme est définie, depuis 2013, par l’article R311-1 du Code de la sécurité intérieure -comme « tout objet ou dispositif conçu ou destiné par nature à tuer, blesser, frapper, neutraliser ou à provoquer une incapacité ». La législation française actuelle adopte une classification des armes en quatre catégories fondées sur leur mode d’acquisition et de détention :

  • A : les armes interdites à l’acquisition et à la détention, distinguant les armes civiles (A1) et les matériels de guerre (A2) ;
  • B : les armes nécessitant une autorisation administrative préalable ;
  • C : les armes soumises à une obligation de déclaration ;
  • D : les armes dont l’acquisition et la détention sont libres.

 

Phénomène grandissant et une menace particulièrement préoccupante

 

La démocratisation de cette technologie, conjuguée à la diminution de son coût d’acquisition, accroît la menace de manière tangible. Cette évolution s’accompagne d’une recrudescence sur internet de schémas permettant la fabrication d’armes plus sophistiquées, pouvant être agrémentées d’éléments métalliques fabriqués de manière artisanale.

 

En Europe, les « ghost guns » représentent une menace majeure et préoccupante pour Europol, l’agence européenne de police criminelle, en raison de leur caractère non traçable et de la possibilité de les assembler soi-même. Ces dernières années, une quantité croissante d’armes complètes et de pièces d’armes imprimées en 3D, fabriquées par accumulation de couches de matériaux contrôlées par ordinateur, ont été saisies en Europe. Face à cette menace grandissante, Europol a mis en place un réseau international d’experts spécialisés dans les armes à feu imprimées en 3D afin de tenir les autorités répressives informées de l’évolution de cette forme d’armement.

 

Outre-Atlantique, notamment aux États-Unis, ces armes sont de plus en plus répandues dans certaines villes, suscitant des initiatives spécifiques visant à contrôler et réprimer leur utilisation. Pour les autorités américaines, ce phénomène est devenu monnaie courante. Environ 30 % des armes découvertes sur les lieux de crime en Californie ne disposent pas de numéro de série, les rendant impossibles à relier à des affaires antérieures. Cette problématique préoccupe également le Canada, qui recense régulièrement des saisies d’imprimantes 3D utilisées pour la conception d’armes à feu par des producteurs illégaux, ainsi que des plans permettant la fabrication d’armes.

 

Quelles conséquences lorsqu’on porte ou détient une arme à feu sans autorisation ?

 

Les producteurs d’armes à feu pourraient toujours plaider le fait qu’il ne savait pas ce qu’il produisait, ne pas avoir reconnu une arme, ni lors de la réception des fichiers, ni lors de la fabrication mais les risques de condamnation sont bien réels ».

Juridiquement, ne disposant pas des autorisations requises, les producteurs d’armes à feu pourrait tomber sous le coup de l’article L317-1-1 du code de la sécurité intérieure qui interdit « la fabrication ou [le] commerce de matériels, armes, munitions et de leurs éléments essentiels »,

 

Acheter, vendre ou détenir une ou plusieurs armes sans en avoir l’autorisation est sanctionné par une peine d’emprisonnement et une amende.

 

Acheter, vendre ou détenir une ou plusieurs armes de catégorie B sans en avoir l’autorisation est sanctionné par une peine de prison de 5 ans et une amende de 75 000 € (articles 222-57 et suivants du Code pénal).

 

La peine d’emprisonnement est de 10 ans et l’amende de 500 000 € en cas d’infraction commise en bande organisée.

 

Les infractions suivantes sont sanctionnées par une amende pouvant aller jusqu’à 750 € :

  • Déménager dans un autre département sans informer la préfecture de votre nouveau domicile ;
  • Acheter ou détenir plus de 10 systèmes d’alimentation par arme.

 

Les peines complémentaires suivantes peuvent s’y ajouter :

  • Interdiction de détenir ou de porter, pendant 5 ans maximum, une arme soumise à autorisation ;
  • Confiscation d’une ou plusieurs armes ;
  • Retrait du permis de chasser avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant 5 ans maximum.

 

 

N’hésitez pas à consulter notre précédent article sur : “Porter et/ou détenir des armes à feu en France : Qui ? Pour quelle utilisation ?” Vous y trouverez toutes les informations relatives à la législation concernant l’utilisation et le port d’armes à feu en France. L’une des plus restrictives d’Europe.

 

Nous vous invitons à consulter nos autres articles d’actualité dans les domaines d’expertises les plus sensibles, tels que le droit des armes, défense, sécurité intérieure et Cyber Sécurité / Défense. Vous trouverez toutes les informations nécessaires.

 

 

KEYLEX, spécialisé dans le droit des armes, défense, sécurité intérieure et Cyber Sécurité / Défense, vous conseille et vous accompagne sur toutes les problématiques liées à l’usage, la détention et le commerce des armes à feu.