Comment exporter un "Bien à Double Usage" ? 2/2

 

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Qu’est-ce que le règlement 2021/821 sur les biens à double usage et quel est son objectif ?

 

À l’échelle européenne, et succédant aux règlements n° 428/2009, n°1232/2011 et n°2016/1969, le règlement n° 2021/821 du Parlement européen et du Conseil établit une liste détaillée mais non exhaustive de BDU en son annexe 1.

 

Le règlement 2021/821, relatif à l’organisation des échanges de biens à double usage, prévoit un système de contrôle reposant sur l’octroi d’autorisation, assortis de sanctions fiscales voire pénales en cas de non-respect. Cependant, au principe général existe des exemptions et exceptions.

 

Un contrôle pour quelle(s) exportation(s) ?

 

Le règlement 2021/821 établit un principe général de contrôle pour les exportations de BDU hors de l’espace douanier communautaire. Ainsi, toute exportation de biens à double usage répertoriés à l’annexe I est soumise à autorisation, reflétant une distinction fondamentale par rapport à d’autres marchandises plus classiques du marché intérieur, en raison de la nature sensible des BDU.

 

Les échanges intracommunautaires de certains BDU non énumérés à l’annexe I peuvent également être soumis à autorisation, selon leur catégorisation établie par ledit règlement. Si sont exclus d’une autorisation générale nationale les biens relevant de la Convention sur les armes chimiques et ceux relevant de la technologie du Nuclear Suppliers Group (NSG), certaines catégories de BDU strictement définies ont la possibilité d’être soumises à une exigence d’autorisation générale nationale :

 

  • Technologies de la furtivité : par exemple des revêtements spéciaux conçus pour minimiser la rétrodiffusion des signaux radar ;
  • Contrôles stratégiques communautaires (de manière large) : par exemple des systèmes de détection ou de localisation d’objets, présentant l’une des caractéristiques suivantes présentant des fréquences d’émissions inférieures à 5 kHz ;
  • Contrôles stratégiques communautaires en cryptanalyse (de manière précise): par exemple des équipements conçus ou modifiés pour mettre en échec les mécanismes cryptographiques afin d’obtenir des  données confidentielles ou sensibles ; .
  • Technologies MTCR (Missile Technology Control Regime): par exemple des sous-ensembles de guidage utilisables dans des missiles conférant au système une précision égale ou inférieure à 3,33 % de la portée dudit missile.

 

En outre, le champ d’application du règlement quant à de telles autorisations ne se limite pas aux exportations entendues de manière stricte, mais s’étend également au contrôle des activités connexes telles que le service de courtage (article 6), le transit (article 7) ainsi que la fourniture d’assistance technique (article 8) associés aux BDU.

 

Comment fonctionne le contrôle des exportations de BDU en France ?

 

En France, le contrôle des exportations de BDU fait intervenir plusieurs instances spécialisées et procédures réglementées qui vont appliquer le règlement 2021/821. Le processus de contrôle des exportations de BDU implique une autorité ministérielle et une entité administrative spécialisées : le Service des biens à double usage (SBDU) et la Commission interministérielle des biens à double usage (CIBDU), toutes deux créées en 2010 (après le règlement communautaire n° 428/2009, abrogé depuis lors).

 

Relevant du ministère de l’Économie, le SBDU se voit soumettre via la plateforme d’Enregistrement et Gestion Interministériels des Dossiers à l’Export (EGIDE) les demandes détaillées de licence d’exportation de BDU qu’il va être chargé de classer selon leur usage potentiel. Il examine les demandes de licence soumises par les exportateurs et détermine si les biens en question peuvent être exportés en toute sécurité sans risque de détournement à des fins malveillantes. En cas de dossier complexe,  le SBDU peut faire appel à la CIBDU, instance intergouvernementale relevant du ministère des Affaires étrangères et composée d’experts issus de différents ministères qui vont évaluer les implications stratégiques, économiques et sécuritaires des exportations proposées.

 

Si ces deux autorités sont centrales dans la procédure nationale d’exportation de BDU, elles peuvent collaborer avec d’autres instances en fonction de la précision du sujet. A titre d’exemple, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) peut être consultée pour les demandes liées à la cryptologie, ce qui permet d’assurer une évaluation complète des risques potentiels associés à l’exportation de BDU dans le domaine de la sécurité informatique.

 

Quels sont les types d’autorisations d’exportation délivrés par le SBDU ?

 

Si toutes les conditions sont remplies, le SBDU délivre les licences d’exportation correspondantes.

 

Actuellement, il existe plusieurs types d’autorisations ou licences qu’il est susceptible de se voir délivrer :

  • Autorisations générales d’exportation de l’Union européenne ;
  • Autorisations de courtage et d’assistance technique ;
  • Autorisation de transfert d’un bien déjà livré vers un utilisateur final ;
  • Licences générales nationales ;
  • Licences individuelles ;
  • Licences globales.

 

Au total, en 2022, 3656 autorisations d’exportation de BDU  ont été délivrées par le SBDU. Ces dernières ont des durées de validité variables en fonction de leur spécificité, et certaines peuvent être utilisées à plusieurs reprises selon un système de crédit. En cas de changement de situation de l’exportateur, une licence ne peut être cédée sans notification et validation du SBDU.

 

Une fois la licence ou l’autorisation d’exportation délivrée, les exportateurs doivent se conformer aux conditions stipulées et veiller à ce que les biens exportés ne soient pas détournés à des fins inappropriées ou illégales. Des contrôles supplémentaires, y compris physiques, peuvent être effectués au niveau des douanes pour garantir le respect des réglementations ou autorisations en vigueur, et en France dans les six ans suivant l’exportation d’un BDU. A noter que depuis 2018, le système national de dédouanement DELTA-G est directement synchronisé à la plateforme EGIDE susmentionnée via EGIDE-GUN, ce qui permet une vérification automatique de la conformité entre la déclaration en douane d’un BDU et la licence ou autorisation accordée par le SBDU.

 

 

Comment varie la procédure d’autorisation d’un État membre à l’autre ?

 

Dans un souci d’harmonisation des réglementations et de coopération transfrontalière, le SBDU est chargé des relations avec, d’une part, la Commission européenne et d’autre part, les autorités des autres États membres de l’Union compétentes pour traiter des exportations de BDU.

 

En dernier lieu, il est nécessaire de souligner que si les Etats membres de l’Union européenne ont une obligation de résultat quant au contrôle des BDU, la procédure évoquée ici est propre à l’Etat français et peut diverger d’un Etat membre à l’autre.

Dès lors, il est indispensable de se renseigner au cas par cas sur la procédure à suivre en cas de demande d’autorisation ou de licence dans un autre Etat membre de l’Union.

 

 

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